LE REGIME DE LA PARAHÔTELLERIE EST MORT… VIVE LA PARAHOTELLERIE !!
Interrogé par la cour administrative d’appel de Douai, le Conseil d’État a été amené à se prononcer, dans un avis du 5 juillet 2023 (CE avis 8e-3e ch. 5-7-2023 n° 471877), sur la conformité du régime applicable aux prestations d’hébergement fournies dans des conditions similaires à celles de l’hôtellerie (parahôtellerie) avec la Directive 2006/112/CE (TVA).
Le régime, visé à l’article 261 D, 4°-b du CGI, prévoit que la TVA est applicable aux prestations de mise à disposition d’un local meublé ou garni effectuées à titre onéreux et de manière habituelle lorsque, outre l’hébergement, l’exploitant (ou son mandataire) offre, dans des conditions similaires à celles proposées par les établissements hôteliers, au moins trois des quatre prestations suivantes : le petit déjeuner, le nettoyage régulier des locaux, la fourniture de linge de maison et la réception, même non personnalisée, de la clientèle.
Ndr : l’administration considère que l’offre d’un service est caractérisée lorsque l’exploitant dispose des moyens nécessaires pour être en mesure de proposer le service en question (BOI-TVA-CHAMP-10-10-50-20 n° 40). Il n’est pas exigé que le service soit effectivement consommé par l’occupant.
Ce régime est le seul qui permette à un exploitant d’assujettir à la TVA les prestations de fourniture d’hébergement lui permettant ainsi de compenser la TVA qu’il a pu acquitter sur la TVA qu’il a collectée mais aussi d’obtenir un remboursement de la TVA d’acquisition du bien immobilier destiné à la fourniture d’hébergement avec prestations de services (achat d’un ou plusieurs lots dans une résidence hôtelière, de tourisme ou résidence étudiantes, dites résidences de services par exemple).
Dans son avis du 5 juillet dernier, le Conseil d’État a considéré que les dispositions de l’article 261 D du CGI sont compatibles avec les objectifs de la directive TVA dès lors qu’elles soumettent à la TVA les activités se trouvant dans une situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
Le Conseil d’État a en revanche déclarées incompatibles les dispositions du CGI avec les objectifs de la Directive TVA en subordonnant la soumission à la TVA des activités d’hébergement à la condition que soient proposées au moins trois des quatre prestations accessoires.
Faut-il donc désormais considérer que la proposition de trois des quatre prestations accessoires (261 D ,4°-b du CGI) ne permet plus d’accéder au régime parahôtelier ?
LE CONSEIL D’ÉTAT MAINTIEN SA JURISPRUDENCE CONFORMÉMENT À LA DIRECTIVE TVA
Aux termes de la Directive TVA, les États membres exonèrent de la TVA l’affermage (location d’un bien rural) et la location de biens immobiliers.
Sont en revanche soumises à la TVA, les opérations d’hébergement telles qu’elles sont définies dans la législation des États membres qui sont effectuées dans le cadre du secteur hôtelier ou de secteurs ayant une fonction similaire, y compris les locations de camps de vacances ou de terrains aménagés pour camper.
Le Conseil d’État, dans son avis du 5 Juillet, reprend les étapes du raisonnement de la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE).
En effet, le Conseil d’État avait déjà affirmé dans sa jurisprudence Lejeune :
- s’il appartient à chaque État membre de fixer les critères utiles à la distinction entre la location d’un logement meublé assujettit ou non à la TVA,
- les critères retenus doivent être propres à garantir que ne soient exonérés du paiement de la TVA que les assujettis dont l’activité ne remplit les fonctions essentielles des entreprises hôtelières, avec lesquelles ils ne se trouvent pas en situation de concurrence potentielle (CE 11-7-2001 n° 217675, min. c/ Lejeune; même sens : CE 20-11-2002 n° 229671; CE 20-11-2017 n° 392740).
Donc, pour être assujetti à la TVA, il faut exercer une activité concurrentielle à un hôtelier.
Ndr : dans ses conclusions, l’avocat général devant le C.E. relève que :
- si la location de courte durée d’immeubles à usage d’habitation peut ne pas comporter toutes les prestations de biens et de services additionnelles (telles que la fourniture de repas et de boissons, le nettoyage des chambres, la fourniture de draps, etc.) normalement fournies dans les hôtels,
- il ne fait néanmoins, selon lui, aucun doute qu’un assujetti qui louerait, par exemple, des immeubles à usage d’habitation pour des vacances de courte durée remplit essentiellement la même fonction qu’un assujetti dans le secteur hôtelier – et, est donc en concurrence avec ce dernier.
LE CONSEIL D’ETAT PRÉCONISE DÉSORMAIS UNE ANALYSE AU CAS PAR CAS
Suivant les conclusions du rapporteur public :
- qui a indiqué que c’est nécessairement au cas par cas qu’il convient d’apprécier, en fonction des caractéristiques de chaque offre d’hébergement, le rapport de concurrence potentielle permettant de déterminer si une activité de mise à disposition d’un local meublé doit être soumise à la TVA,
Le Conseil d’État considère qu’il appartient à l’administration, sous le contrôle du juge de l’impôt, d’apprécier au cas par cas si un établissement proposant une location de logements meublés, eu égard aux conditions dans lesquelles cette prestation est offerte, se trouve en situation de concurrence potentielle avec les entreprises hôtelières.
Sont notamment à prendre en compte la durée minimale du séjour et les prestations fournies en sus de l’hébergement (selon la méthode dite de « faisceaux d’indices »).
Comme l’indique le rapporteur public, tout examen des prestations parahôtelières fournies par l’exploitant du logement, telles que petit déjeuner, réception plus ou moins personnalisée, assistance pendant le séjour, nettoyage des chambres en cours de séjour, autres services offerts, n’est donc pas abandonné.
Ainsi les quatre prestations citées à l’article 261 D, 4°-b du CGI sont indirectement rétrogradées du rang de critères à celui de simples indices, dans le cadre d’une approche plus souple et contextualisée.