LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE
Le 17 août dernier, la première Loi de Finances rectificative pour 2022 a été publiée au Journal officiel. Elle comporte notamment différentes mesures en faveur du pouvoir d’achat. Vous retrouverez ci-après notre sélection des mesures importantes.
SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION À L’AUDIOVISUEL PUBLIC
L’article 6 de la Loi de finances rectificative pour 2022 supprime la contribution à l’audiovisuel public (ex-redevance audiovisuelle) due par les particuliers et par les professionnels à compter du 1er janvier 2022. Elle ne sera donc pas recouvrée en octobre 2022. Pour les contribuables mensualisés, les mensualités versées depuis le début de l’année au titre de la contribution seront imputées sur le solde du montant de la taxe d’habitation ou/et restituées au contribuable en cas de trop perçu. La contribution à l’audiovisuel public (ou « redevance télé ») finançait les organismes publics de télévision et de radiodiffusion jusqu’à 2021. Elle était due par les particuliers ou par les professionnels possédant un poste de télévision. Des modalités particulières s’appliquaient en matière de location meublée, selon les situations. La suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) bouleverse les modalités de financement de l’audiovisuel public dont cette contribution constituait sa principale ressource. La LFR pour 2022 prévoit notamment d’y substituer, jusqu’au 31 décembre 2024, l’affectation d’une fraction du produit de la TVA déterminée chaque année par la Loi de finances.
REMPLACEMENT DE LA PRIME EXCEPTIONNELLE DE POUVOIR D’ACHAT (PEPA) PAR UNE PRIME DE PARTAGE DE LA VALEUR (PPV) PÉRENNE
La PEPA (prime Macron) n’est pas renouvelée. Une autre prime prend le relais : la PPV qui est désormais pérenne et qui dispose d’un régime social et fiscal un peu différent. Son montant maximum est triplé par rapport à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat. Son versement reste à la discrétion de l’employeur. La prime de partage de valeur doit être mise en place par :
• Accord d’entreprise ou de groupe ;
• Ou décision unilatérale, avec consultation préalable du CSE.
L’accord ou la décision doit prévoir certaines modalités : montant, bénéficiaires, modulation en fonction de critères énumérés (rémunération, ancienneté, etc.). Les entreprises pourront verser :
• Jusqu’à 3 000 € par bénéficiaire et par an ;
• et jusqu’à 6 000 € si l’entreprise met en œuvre un dispositif d’intéressement, ou si elle est versée par un organisme d’intérêt général ou, s’agissant des primes versées aux travailleurs handicapés, par un établissement ou service d’aide par le travail.
Afin de soutenir plus particulièrement le pouvoir d’achat dans un contexte de forte inflation, tous les salariés percevant moins de 3 SMIC peuvent, jusqu’au 31 décembre 2023, toucher une prime annuelle s’élevant jusqu’à 6 000 € sous les mêmes conditions, sans aucune charge sociale ou fiscale. Cependant, les autres salariés à partir de 3 SMIC sont exonérés de cotisations salariales avec un régime fiscal et social aligné sur celui de l’intéressement et de la participation, à savoir : un assujettissement de la prime à l’IR et à la CSG/CRDS, et l’application du forfait social de 20 % pour l’employeur ce qui n’existait pas avec la PEPA. À compter de 2024, le régime d’exonération des salariés situés en dessous de 3 SMIC sera aligné sur celui des autres salariés (exonération de cotisations sociales).
DÉBLOCAGE ANTICIPÉ EXCEPTIONNEL DE L’ÉPARGNE SALARIALE
L’article 5 de la Loi sur le pouvoir d’achat permet de débloquer exceptionnellement l’épargne salariale pour soutenir la consommation jusqu’au 31 décembre 2022. Les sommes perçues en contrepartie de ce déblocage anticipé de l’épargne salariale sont exonérées d’impôt sur le revenu et de cotisations sociales. Seules les plus-values constatées lors du déblocage sont soumises aux prélèvements sociaux de 17,2 %. Pour bénéficier de ce déblocage anticipé, il convient toutefois :
• D’effectuer la demande entre le 18 août 2022 (lendemain de la publication au JO) ET avant le 31 décembre 2022 ; De demander le déblocage des sommes investies au titre de la participation et de l’intéressement sur un plan d’épargne salariale, affectées avant le 1er janvier 2022 (PEE, PEI ou compte courant bloqué si l’entreprise n’a pas mis en place de participation bien qu’elle remplisse les conditions au sens de l’article L. 3323-5 du code du travail) ;
• De réaliser un seul déblocage (il peut porter sur tout ou partie de l’intéressement ou de la participation, mais le déblocage doit être fait en une fois) ;
• De respecter les plafonds de déblocage : 10 000 € pour une personne seule, 20 000 € pour un couple (net de prélèvement sociaux) ;
• De ne pas réinjecter les sommes perçues au sein de quelque support d’épargne que ce soit : livret A, assurance-vie, PEA… Les sommes débloquées doivent, en effet, être réinvesties pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens, fourniture d’une ou plusieurs prestations de services (les bénéficiaires devront conserver, à des fins de contrôle, les pièces justificatives attestant de l’usage des fonds débloqués).
Attention : les PERCO et PERECO sont exclus de ce dispositif. L’employeur doit informer ses salariés de ce nouveau dispositif, dans les 2 mois suivant la publication de la loi pour le pouvoir d’achat. Le texte prévoit des limitations à cette possibilité de déblocage anticipé. D’une part sont exclus du déblocage anticipé :
• Les droits issus de la participation ou de l’intéressement affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application de l’article L 3332-17, al. 1 du Code du travail ;
• Les droits affectés à un plan d’épargne retraite d’entreprise ou interentreprises, que ce soit un Perco, un Pereco, un Pero ou encore Pereco regroupé.
D’autre part, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord lorsque la participation, par application de l’accord de participation, ou l’intéressement, par application du règlement du plan d’épargne salariale, a été :
• Affecté à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe (au sens de l’article L 3344-1, al. 2 du Code du travail) ;
• Ou à l’acquisition de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif relevant des articles L 214-165 à L 214-166 du Code monétaire et financier (FCPE d’actionnariat salarié et Sicav d’actionnariat salarié) ;
• Ou (seulement pour la participation), placée dans un fonds que l’entreprise consacre à des investissements, en application de l’article L 3323-3 du Code du travail. Cet article autorise à titre dérogatoire pour les Scop l’affectation totale de la participation dans des comptes courants bloqués.
REVALORISATION DES PENSIONS ET DES PRESTATIONS FAMILIALES ET SOCIALES
Les prestations sociales (retraite de base, allocations familiales, minima sociaux, prime d’activité, etc.) sont revalorisées rétroactivement de 4 % au 1er juillet 2022.
HEURES SUPPLÉMENTAIRES EXONÉRÉES
L’article 4 de la LFR pour 2022 porte le plafond des heures supplémentaires exonérées de 5.000 € à 7.500 € pour l’année 2022. L’article 2 de la Loi relative à la protection du pouvoir d’achat met en place un dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires pour les entreprises d’au moins 20 salariés et de moins de 250 salariés :
• La déduction s’applique au titre des heures supplémentaires mentionnées à l’article L 241-17, I-1° à 3° du CSS (Loi art 2, I), à savoir les mêmes heures que celles concernées par la déduction forfaitaire de cotisations patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés.
Ainsi, la déduction s’applique :
• aux heures supplémentaires « classiques » effectuées au-delà de la durée légale fixée à 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente ;
• aux heures supplémentaires incluses dans une convention de forfait hebdomadaire ou mensuel et à celles effectuées au-delà de ces forfaits ;
• aux heures de travail effectuées au-delà de 1 607 heures par an par les salariés relevant d’une convention de forfait annuel en heures ;
• aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un aménagement du temps de travail sur une période de référence supérieure à la semaine, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure ;
• aux heures supplémentaires effectuées dans le cadre d’un temps réduit pour raisons personnelles.
INSTAURATION D’UN DISPOSITIF DE MONÉTISATION DES RTT
La déduction forfaitaire a également vocation à s’appliquer aux jours de repos auxquels renonce un salarié relevant d’une convention de forfait en jours sur l’année au-delà de 218 jours (Loi art. 2, II).
La LFR 2022 prévoit un dispositif de monétisation de jours de RTT qui permet aux salariés, sous réserve de l’accord de l’employeur, de renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises, en contrepartie d’une rémunération majorée. Cette rémunération supplémentaire bénéficie d’un régime fiscal et social avantageux : celui des heures supplémentaires exonérées (plafond de 7 500 € dès 2022). Le dispositif est limité aux jours de repos acquis entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.
La possibilité pour un salarié de transformer ses jours de repos ou de réduction du temps de travail (RTT) en majoration de salaire est limitée à trois cas :
• Les salariés en forfait jours peuvent renoncer, avec l’accord de leur employeur, à leurs jours de repos en contrepartie d’une majoration de salaire (C. trav. art. L 3121-59) ;
• Le compte épargne-temps (CET) permet aux salariés de bénéficier d’une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congés ou de repos non pris (C. trav. art. L 3151-2).
À noter que le CET n’est pas obligatoire et doit être prévu par une convention ou un accord collectif (C. trav. art. L 3151-1) ;
• L’absence de prise des jours de RTT par le salarié ouvre droit à une indemnité, mais seulement si cette situation est imputable à l’employeur, à défaut d’un accord collectif prévoyant une indemnisation (Cass.Soc. 18-3-2015 n° 13-16.369).
De manière dérogatoire, l’article 5, I de la Loi de finances rectificative pour 2022 prévoit qu’un salarié peut, sur sa demande et en accord avec l’employeur, renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025. Sont concernées les journées ou demi-journées :
• Acquises en application d’un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L 3121-41 à L 3121-47 du Code du travail sur une période supérieure à la semaine ;
• Ou de RTT acquises en application d’un accord ou d’une convention collective instituant un dispositif de réduction du temps de travail.
FRAIS DE TRANSPORT PROFESSIONNEL
Frais de déplacement de covoiturage (article 20 de la LFR 2022) Complétant l’article 83, 3°-al. 7 du CGI, l’article 20 de la Loi de finances rectificative pour 2022 précise que les frais de covoiturage engagés par un salarié pour les trajets qu’il effectue entre son domicile et son lieu de travail constituent des frais professionnels déductibles en cas d’option pour la déduction des frais réels.
Sont visés les frais de déplacement engagés par un passager au titre du partage des frais dans le cadre d’un covoiturage défini à l’article L 3132-1 du Code des transports.
Barème kilométrique des bénévoles d’association (article 21 de la LFR 2022) Pour mémoire, les frais supportés par les contribuables dans le cadre d’une activité bénévole, lorsqu’elle est effectuée strictement pour la réalisation de l’objet social de l’organisme et qu’ils sont dûment justifiés, peuvent :
• Soit être remboursés par l’organisme ;
• Soit ouvrir droit au bénéfice de la réduction d’impôt sur le revenu pour dons (CGI art. 200). En pratique, l’administration admet que les frais de véhicule personnel du contribuable peuvent être évalués forfaitairement en fonction d’un barème kilométrique spécifique aux bénévoles des associations, sous réserve de la justification de la réalité, du nombre et de l’importance des déplacements réalisés dans le cadre de son engagement.
La LFR 2022 vise à légaliser cette mesure et simplifier le recours au barème kilométrique en prévoyant d’appliquer celui auquel peuvent recourir les salariés pour évaluer les frais réels de déplacements professionnels. Cette mesure s’applique pour l’imposition des revenus de 2022.
DUTREIL : L’ACTIVITÉ OPÉRATIONNELLE DOIT BIEN ÊTRE EXERCÉE JUSQU’AU TERME DES ENGAGEMENTS
Pour le bénéfice de l’exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit Dutreil, la société dont les titres font l’objet d’un engagement collectif de conservation doit exercer une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale).
La LFR 2022 confirme que la condition d’activité opérationnelle exercée par la société transmise doit bien être satisfaite dès la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’au terme de l’engagement individuel de conservation.
Cette disposition de la LFR pour 2022, qui légalise la doctrine administrative (BOI-ENR-DMTG-10-20-40-10 n° 25, 21-12-2021), vise à faire échec à une récente jurisprudence de la Cour de Cassation. En effet, par une décision du 25 mai 2022, la Haute Juridiction a considéré que l’exonération partielle ne pouvait pas être remise en cause en cas de perte par une société holding de sa fonction d’animatrice de groupe postérieurement à la transmission, la loi n’imposant pas qu’une telle société conserve son rôle d’animation jusqu’au terme des engagements de conservation (Cass. com. 25-5-2022 n° 19-25.513 F-PB).
Désormais la Loi et la doctrine administrative sont en cohérence.
Sont visés les pactes écrits classiques, mais aussi ceux réputés acquis ou post-mortem.
Les sociétés holdings animatrices sont concernées puisque ces dernières sont assimilées à des sociétés opérationnelles pour l’exonération partielle prévue par l’article 787 B du CGI.
En pratique, la durée d’exercice de l’activité opérationnelle est donc de 6 ans :
• Dans le cas général (2 ans d’Engagement Collectif de Conservation -ECC- ou d’Engagement Unilatéral de Conservation – EUC- + 4 ans d’Engagement Individuel de Conservation -EIC-) ;
• Dans le cas d’un engagement réputé acquis (2 ans avant la date de la transmission + 4 ans d’EIC) ;
• Et dans le cas d’un engagement post mortem (2 ans d’ECC ou EUC + 4 ans d’EIC).